Afrique Centrale

1 – Nature et implications des héritages coloniaux pour la politique sociale dans les pays étudiés

Après les indépendances, les premiers responsables politiques sont très tôt conscients du fait que  l’avenir se construit par l’éducation ; d’ailleurs, les départements ministériels y sont consacrés. Contrairement à l’époque coloniale, l’État s’arroge le droit sur la scolarisation et devient le principal acteur, c’est lui qui assure l’organisation, les orientations politiques et le contrôle stratégique. Les nouveaux états développent une scolarisation de masse en créant des écoles de formation et des universités. Il est question de former les élites à même de remplacer l’ordre colonial aboli. À cette époque la promotion de la scolarisation passe par l’octroi des allocations et bourses pour les lycéens et des étudiants du supérieur. Compte tenu la faiblesse des effectifs, les budgets parviennent à contenir les  systèmes scolaires. La politique éducative postcoloniale ne rompt pas subitement avec celle applique durant la période coloniale. Pendant la première décennie d’indépendance, la scolarisation primaire était presque gratuite. Au niveau secondaire et supérieur, les gouvernements octroyaient des bourses d’étude. Si au Cameroun et en RDC le système d’attribution des bourses ne résiste que de courte durée, le Gabon a solidement organisé ce soutien aux élèves et étudiants en créant des structures dédiée à cette tâche. Et cette initiative a perduré jusqu’à l’irruption de la crise sanitaire en 2020.

Bien que l’Etat soit le principal acteur de la scène scolaire, il subsiste toujours des missionnaires qui continuent d’être un acteur non négligeable dans la scolarisation de la population des pays étudiés. La survenue de la crise économique dans les années 1990 a fortement diminué le budget de l’Etat dans l’éducation. Cette situation de crise a été favorable au renforcement du rôle des acteurs privés confessionnel dans tous les cycles de l’éducation aux Cameroun. Le caractère non lucratif des actions éducatives de ces structures confessionnelles affirme la dimension sociale.

2 – Idéologies, normes et valeurs clés de la politique sociale dans les pays étudiés

Après plus d’un siècle de développement d’un système scolaire dans les pays étudiés, l’administration coloniale n’avait pas encore mis en place tous les segments de l’éducation. Le niveau primaire et secondaire était développé, tandis que le niveau supérieur restait encore à la traine. Ce dernier segment s’est développé à veille de l’accession à l’indépendance. L’introduction de l’école occidentale dans les sociétés africaines s’est faite dans le sillage de la mission civilisatrice. Les européens se disant civilisés, ont considérés qu’il est un devoir pour eux d’apporter les bienfaits de la science, de sortir les peuples indigènes de la barbarie dont ils étaient plongés. Par le truchement de la colonisation, l’école européenne s’est installée. Ce fut l’occasion de déconnecter les peuples locaux de toutes les formes d’initiation qui préparait l’homme à un épanouissement totale dans son environnement. L’école a été l’instrument idéal pour introduire sa langue, sa science, sa pensée, bref sa culture en Afrique en général. Dans un contexte colonial, il fallait façonner les esprits dans le sens de servir la cause coloniale. Ainsi, l’école s’est transformée en instrument privilégié du projet colonial. C’est un appareil idéologique qui a permis  de transférer la culture occidentale, civilisatrice aux peuples dit indigène.

Bien que l’école soit aussi tenu par les missionnaires, ce sont les administrations coloniales qui définissaient les contenus des programme, bref qui définissaient le profil d’homme que l’école coloniale devait produire. Si les segments primaires et secondaires étaient plus ou moins accessibles aux indigènes, le niveau supérieur restait conditionné par l’octroi des bourses par l’administration coloniale. En effet, la politique de l’enseignement supérieur dans les territoires français et belges était centralisée. Car les bourses demeurent l’unique voie d’accès à l’université. Par contre,  l’enseignement supérieur dans le Cameroun sous l’administration britannique bénéficiait une politique décentralisée. En plus de la Bristish Council, agence dédiée à l’éducation et aux relations internationales, qui octroyait des bourses d’étude aux Camerounais, le Cameroon developement Corporation (CDC), l’une des première grande entreprises du Cameroun crée par les autorités britanniques, instaure en parallèle son système de bourses universitaire pour la formation des jeunes.

Devenu indépendant, les gouvernements des pays étudiés entreprennent de développer l’éducation. Cela se traduit par le développement des infrastructures dans les zones urbaines mais davantage dans les zones rurale. Après quelques décennies, le taux de scolarisation s’améliore dans l’ensemble.

3 – Modèles et tendances comparatifs de la politique sociale dans les pays étudiés

La politique sociale au niveau de l’éducation et de la santé dans la colonie était pratiquement confiée  en grande partie aux missionnaires. Après les indépendances, les gouvernements des pays étudiés s’étaient engagés dans des politiques sociales pour améliorer les conditions de vie de la population qui s’étaient fortement dégradées dans le joug colonial. La tendance du pouvoir public était de faire mieux que le pouvoir colonial afin de se délégitimer dans un pays où le nombre des nostalgiques de la colonisation ne cessait de croître. Il fallait donc partir des problèmes sociaux tels qu’ils se présentaient et de tenter de les résoudre. Le dialogue social était par conséquent le canal par lequel le pouvoir cernait les préoccupations de la population avant de les résoudre dans le cadre des politiques sociales.

Ces différentes politiques sociales ont été initiées par le pouvoir public et par lui également implémentées. Ce qui revient à dire que leur financement était assuré intégralement par le pouvoir public. Ces différentes politiques étaient menées de manière systématique et sur l’ensemble du pays. Il sied cependant de relever que les politiques de l’éducation et de la santé occupaient une place de choix. Ce déséquilibre trouve son fondement dans l’importance que le pouvoir accordée à la formation des cadres dont le nombre était limité dans un pays qui voulait vite rattraper son retard de développement.

Avec l’avènement de la crise socioéconomique, l’on a ressenti le ralentissement dans la mise en œuvre des politiques sociales. Les restrictions budgétaires imposées par les bailleurs des fonds ont conduit le gouvernement à faire des coupes mêmes dans les secteurs vitaux comme la santé et l’éducation, dégradant ainsi les conditions de vie de la population. Le gouvernement devrait alors tendre la sébile aux partenaires pour garantir tant soit peu les conditions de vie de la population. Ainsi, seuls les secteurs sensibles comme la santé et l’éducation qui seront priorisés, à faible proportion d’ailleurs.

4 – La politique de la politique sociale dans les pays étudiés à travers le temps

Le vaste projet éducatif engagé dans les pays étudiés durant tout la période coloniale fut une œuvre sociale d’une très grande importance. Mais, il demeure que ce projet est difficilement détachable du projet colonial. L’école à ses débuts a servi à former les indigènes capables de collaborer et de travailler avec l’administration coloniale. Dans ce contexte, l’enseignement était à la fois un moyen de communication et un élément d’aliénation. Pour s’en convaincre, le colonat n’a pas fait l’effort de développer les langues et les cultures locales, il a plutôt fait l’inverse en faisant à tout prix la promotion de sa culture. Par exemple au Cameroun et au Gabon, les français ont pratiqué dans l’enseignement une assimilation plus efficace car les langues locales étaient formellement proscrites.  Le développement de la formation technique et professionnel a participé grandement l’exploitation des pays étudiés. Il s’agissait de former des indigènes aptes à participer activement à l’exploitation de leurs territoires. Ainsi, l’école s’est transformée en instrument privilégié du projet colonial.

Pendant la décennie 1950, le vent de la décolonisation qui a soufflé partout en Afrique a entrainé un léger changement de la donne. Désormais, le colonat assigne à l’école le rôle de former des cadres, des « évolué », des civilisés » à même de remplacer valablement le colon qui envisage déjà son départ. L’école devait produire un indigène totalement dessouché de ses racines locales et capables de défendre, de continuer le projet d’exploitation du territoire en l’absence du maitre. Au finish on se rend compte que les actions éducatives coloniales étaient à dose contrôlé, destinées à servir les causes coloniales et ne s’inscrivaient pas véritablement pas dans un projet de développement social.

Après les indépendances, les premiers responsables politiques sont très tôt conscients du fait que  l’avenir se construit par l’éducation ; d’ailleurs, les départements ministériels y sont consacrés. Contrairement à l’époque coloniale, l’Etat s’arroge le droit sur la scolarisation et devient le principal acteur, c’est lui qui assure l’organisation, les orientations politiques et le contrôle stratégique. Les nouveaux états développement une scolarisation de masse en créant des écoles de formation et des universités. Il est question de former les élites à même de diriger le nouvel Etat. À cette époque la promotion de la scolarisation passe par l’octroi des allocations et bourses pour les lycéens et des étudiants du supérieur. Cette initiative encourage la scolarisation des plus méritants. Le risque étant le phénomène de fuite des cerveaux à travers des canaux de bourses vers la métropole.

5 – Dimensions de genre de la politique sociale dans les pays étudiés à travers le temps

Avant la seconde guerre mondiale, le pourcentage des jeunes filles dans les effectifs scolarisés en Afrique Noire plafonnait à environ 10% dans les petites classes, 5 à 7% dans les classes de fin d’étude primaire (P. Njialé 2019). Après 1945, parallèlement à l’accroissement général (d’ailleurs assez relatif) des effectifs scolaires des pays étudiés, ceux du genre féminin ont connu une progression certaine tout en restant faible, de loin par rapport à la composition de la population scolarisable. Cette croissance fulgurante des scolarisés qui ne fléchira pas au fil des années cachait une disparité liée au genre dont l’administration coloniale accordait une attention particulière

On constate la faible importance du genre féminin dans le cadre de la politique coloniale en matière éducative. L’un des arguments populaire qui justifie cet état de choses est la  réticence des parents camerounais à laisser leurs filles aller à l’école. Mais on peut remarquer que ce phénomène, dans la mesure où il a persisté est sans doute lié à l’orientation assimilatrice de la scolarisation coloniale ; n’était-il pas une réaction instinctive de défense de la population locale qui soit dit en passant, ne semblait pas ignorer les influences pour l’avenir, d’une telle éducation chez les jeunes filles. Un fait qui milite en faveur de cet argument est la dégradation des mœurs de la société citadine mais aussi l’aptitude la jeune « évoluée » de se soustraire des taches typiquement pour femme : ce qui était perçu à cette époque comme une perversion aux yeux de la population locale. Au-delà de ce aspect culturel, il n’existait aucune politique cohérente relative au développement à la scolarisation féminine, ni le plan de recrutement des élèves ni en ce qui concerne l’organisation des enseignements.

Cette donne va changer après les indépendances avec les nouvelles politiques éducative implantées dans les pays étudiés. La femme qui était de moindre importance dans le projet colonial devient un acteur central de développement. Ce rôle passe par la scolarisation de la jeune fille. Au Cameroun, des lycées de jeunes filles sont créé pendant qu’au Gabon et en RDC, d’autre programme aboutissant à la parité fille/garçon sont élaborés. Au fil des décennies, on aboutie à une nette amélioration du taux de scolarisation du genre féminin.

6 – Principaux acteurs, idées, intérêts et institutions de politique sociale dans  les pays étudiés

Le principal acteur de l’éducation coloniale n’était autre que l’administration coloniale. C’est elle qui définissait la politique, l’orientation, le budget et même le contenu des enseignements. Depuis 1946, la France créé un Fond d’investissement pour le Développement Économique et Social (FIDES).  Ce fond avait pour vocation de financer les institutions médiales, économiques, et scientifiques en Afrique équatoriale française (AEF). Toutes le œuvres éducatives au Cameroun et Gabon étaient financées par le fond. En plus, le fond finançait aussi les œuvres éducatives des missionnaires français. Par exemple, en 1950, le comité directeur du FIDES donne son accord à l’octroi d’une subvention de 17.383.400 FCFA à la Fondation ad Lucem.  Dans le Cameroun britannique, en plus de l’administration coloniale, d’autres structures comme la Bristish Counil et la CDC étaient impliquées dans l’éducation des populations.  Après les indépendances, l’État et les missions religieuses étaient les principaux acteurs du secteur éducatif. En RDC le rôle des missionnaires catholique est resté très important dans l’éducation de masse. Après les années 1990, les acteurs privés sont entré sur la scène éducative à faveur de la crise qui a fortement diminué les moyens de l’État.

7 – Contraintes, critiques et opportunités d’innovations en politique sociale dans les pays étudiés

Depuis l’époque coloniale, le secteur de l’éducation et de la santé étaient considérés comme les bases de tout développement. L’administration coloniale a développé ces secteurs en faisant face à des contraintes financières dans la mesure où les services rendus à la population étaient complètement gratuits. Dans le contexte colonial, il fallait même convaincre les indigènes à fréquenter l’école occidentale et se faire soigner à la biomédecine. Après les indépendances, les nouveaux Etats prennent en main le développement de ces secteurs et sont aussi confrontés aux défis budgétaires pour financer ces secteurs. Après deux décennies d’indépendance, les gouvernements des pays étudiés pouvaient toujours financer le développement de ces secteurs. Il faut signaler qu’après les indépendances, la gratuité des services d’éducation et de santé vole en éclat pour laisser place à une légère rémunération.

La contrainte budgétaire va se renforcer pendant les années de crise économiques dans les pays étudiés. Celle-ci sera favorable à l’émergence des nouveaux acteurs dans ces secteurs. Mais on peut déplorer que l’entrée de ces acteurs dans ces secteurs ne soit pas correctement organisée. La présence des acteurs privés dans ces secteurs, loin de fournir un service accessible au plus grand nombre, a plutôt monétarisé davantage ces services. Même en période de crise sanitaire de Covid-19, ces secteurs n’ont bénéficiés que de très peu d’allègement financière pour les usagers.